Depuis le début de la crise du coronavirus, certains individus adoptent des comportements étonnants. Ils sont particulièrement visibles dans les magasins d’alimentation. Une spécialiste en psychologie décrypte pour nous ces étranges phénomènes.
Au fil des jours, ce sont des images qui deviennent habituelles. Les supermarchés sont pris d’assaut par des consommateurs légitimement inquiets, à tel point que les rayons de pâtes et de papier toilette sont dévalisés. Grâce aux mesures de confinement et les règles sanitaires, la situation devrait s’améliorer dans les jours à venir. Mais nous avons tout de même voulu comprendre pourquoi la crise actuelle provoquait une ruée vers le papier toilette, alors que les risques de pénurie sont inexistants.
Pour Mathilde Meriaux, psychologue clinicienne et chercheuse à la faculté de psychologie de Mons, plusieurs éléments expliquent le comportement des clients pendant cette crise. “Il y a différentes explications quant à cette frénésie d’achat de papier toilette. La première est que le papier toilette évoque l’hygiène et tout ce qui est lié à la contamination” nous explique-t-elle par téléphone.
Par mimétisme
Selon la chercheuse, ces achats compulsifs peuvent aussi être une manière de contrôler la situation. “Si l’on se base sur une psychologie freudienne, cela fait référence au stade anal de l’enfance, lié au contrôle”. Pour rappel, le stade anal est un stade théorique de psychanalyse décrivant la deuxième phase de l’évolution affective d’un bébé. Selon Freud, il succède au stade oral et se caractérise par une focalisation de l’enfant sur la région rectale et ses excréments.
Enfin, Mathilde Merieux évoque le mimétisme parmi les explications possibles. “Le fait de voir les rayons vides, notamment via les réseaux sociaux, poussent les gens à revenir à leurs réflexes archaïques liés à l’instinct de survie. Ils ruent ainsi pour avoir droit à leur part”.
“Nous vivons actuellement dans une société qui va vite. Les gens doivent travailler vite, acheter vite, répondre vite. Mais aujourd’hui, la société leur impose l’arrêt, ce qui peut être très angoissant” détaille la spécialiste. “Une des réponses à l’angoisse est l’hyper activité. Se jeter à corps perdu dans le travail ou sortir entre amis. Le confinement peut effrayer les personnes privées de leurs schémas habituels et les pousser vers encore plus d’anxiété. D’où certaines réactions d’achats compulsifs”.
Que faire pour vivre plus sereinement ?
Selon la psychologue, ce genre de crise peut provoquer un déclic chez les individus et engendrer un cercle vertueux. “Généralement, toutes les grosses situations de crises amènent à des changements positifs. Il se peut que nous évoluions vers un nouvel élan de solidarité et une autre compréhension de notre environnement” explique-t-elle.
“Il faut apprendre à ne rien faire, s’écouter, s’occuper de soi. Au final, apprendre à se connaître. S’offrir des petits plaisirs tels que lire un livre, se préparer un bon plat, prendre un bain. Toutes des petites choses que l’on ne fait pas habituellement par manque de temps. Accepter l’incertitude de la situation et accepter l’anxiété qui peut nous envahir”.
“Plus on est dans le contrôle de l’angoisse et plus nous allons angoisser. Il faut accepter les sensations qui nous submergent et les laisser partir”
Concrètement, Mathilde Merieux conseille de faire une liste des choses à faire dans la journée. L’objectif est d’éviter de tomber dans une routine (dormir, manger, réseaux sociaux) qui pourrait mener vers un état dépressif. Il faut au contraire continuer à s’occuper de soi et de son environnement.
“Il faut se fixer des temps de connexion à l’information. Ne pas passer ses journées devant les informations anxiogènes du moment. Pour les personnes qui travaillent à la maison, surtout s’accorder des temps de travail tels que vous le feriez au bureau”.
“Et enfin, si vous ressentez une grande détresse par rapport à cet état de confinement; et que vous ne trouvez aucun réconfort autour de vous, surtout n’hésitez pas à contacter un professionnel de la santé psychique qui pourra vous aider à franchir ce cap” conclut la psychologue.