Un jeune demandeur d’asile est menacé d’expulsion vers le Sénégal. Il s’était pourtant parfaitement intégré dans Arlon depuis le mois de juin dernier. Il craint aujourd’hui de retourner dans son pays à cause de son orientation sexuelle. Une pétition a été ouverture pour éviter son expulsion.
Mame Samba Ndao, dit Samba, est un nom qui ne vous dit peut–être rien. Pourtant, c’est devenu une figure du club de basket du Junior Arlonais. Arrivé il y a cinq mois comme réfugié au centre de Stockem, le jeune Sénégalais de 36 ans s’est rapidement intégré parmi les autres sportifs qui partagent la même passion du ballon orange. À tel point que des liens d’amitié se sont noués entre les coéquipiers et Samba.
Mais malgré cette intégration idyllique, le jeune homme s’est pris un coup de massue il y a quelques jours : la Direction générale de l’Office des étrangers lui demande de quitter le territoire et de retourner en France, le premier pays où il est arrivé après avoir quitté Dakar. C’est ensuite l’Office français de l’Immigration qui jugera si Samba peut rester dans l’Hexagone ou s’il doit rentrer dans son pays d’origine. Une situation impensable pour Samba, qui a consenti tous ses efforts pour s’intégrer au mieux dans le chef-lieu de la province de Luxembourg.
Il craint pour sa vie
Si Samba craint tellement de retourner au Sénégal, c’est parce que les homosexuels n’y sont pas acceptés et sont pénalement réprimés. Il en a fait l’amère expérience en début d’année. « Je suis arrivé en France au mois de janvier. Mais je suis rentré, et dès le mois de juin, j’ai eu des problèmes au niveau de mon pays à cause de mon orientation sexuelle. Ce n’est pas quelque chose d’accepté dans mon pays » nous confie-t-il. « Je devais prouver à la France que j’étais rentré dans mon pays. Mais je ne pouvais pas, car tout a été saccagé ».
« Je me suis fait tabasser. Ils ont défoncé ma porte »
Samba décide alors de fuir et de se réfugier en Belgique. Il débarque au centre Fedasil de Bruxelles, avant d’être renvoyé et pris en charge par le centre « Visages du Monde » de Stockem. Il décide de prendre les choses en main et mettre toutes les chances de son côté pour réussir son intégration. « Dès mon arrivée, j’ai intégré l’équipe de basket du Junior Arlonais. Ils m’ont accueilli et accepté. Aujourd’hui, ils m’invitent chez eux, avec leurs amis. Je vais même manger chez leurs parents » nous explique Samba. Des liens humains et solidaires forts se sont souvent créés entre les membres du club de basket et le demandeur d’asile.
« J’ai fait le maximum pour m’intégrer »
Pour Philippe Kemp, le coach du club de basket, cette expulsion n’a pas de sens. « Je ne comprends pas. C’est quelque chose qui m’échappe complètement. On lui laisse de l’espoir pour finalement lui dire « Non, tu pars ». Je trouve dommage que l’ait accueilli en Belgique dans un centre de réfugié et que trois mois plus tard, on lui dit « Merci, au revoir » nous explique-t-il.
« Samba est arrivé au début de la saison et il ne connaissait pas grand-chose à la Belgique en arrivant. Il ne connaissait personne dans le club. Mais dès le premier entrainement, il a été intégré par absolument toute l’équipe ».
Le coach déplore cette situation, d’autant plus que Samba est l’exemple parfait d’intégration d’un réfugié. « Des personnes de ce genre-là, on doit les soutenir à 100%. C’est quelqu’un qui a tout fait pour s’intégrer. Il a été boire un verre chez l’un ou chez l’autre, et directement il a été invité par les autres. En quatre mois à peine, il fait partie intégrante du club. C’est quelqu’un de souriant, qui avenant, qui est toujours présent, toujours une belle mentalité. Il a un esprit conquérant. Je pense vraiment que c’est quelqu’un qui est profondément bon dans sa nature d’âme » continue-t-il.
Selon Philippe, la présence de Samba dans un club de sport est tout un symbole. « Personnellement, en tant qu’entraineur d’une équipe de sport, je suis bien placé pour en parler. Le but du basket, c’est quoi aussi ? Intégrer des jeunes et les sortir de la précarité, ou de situations familiales compliquées. C’est une échappatoire. Je pense que pour Samba, c’est aussi une échappatoire par rapport à ses problèmes de vie » conclut le coach, qui espère qu’une mobilisation citoyenne fera bouger les lignes.
Cinq jours pour partir !
Motivé à poursuivre sa vie à Arlon, Samba savait pertinemment que son intégration au Junior Arlonais ne suffira pas. Le travail représente l’un des meilleurs facteurs d’intégration sociale. Après avoir passé avec brio le permis de conduire, le jeune homme a entamé les démarches pour décrocher un boulot. « J’ai des compétences en informatique. Mais pour travailler, j’ai besoin de mon permis de travail. J’ai d’ailleurs fait la demande, et elle était en cours de traitement, mais entre temps, j’ai reçu l’avis d’expulsion » raconte Samba. « Si j’avais ce permis de travail, je pourrais me rendre au Forem et expliquer mes compétences. Je suis même prêt à suivre de nouvelles formations pour m’améliorer ».
Noémie, une joueuse du club, est tombée des nues lorsque la demande d’expulsion est arrivée. « Samba est entré dans nos vies il y a cinq mois. Aujourd’hui, nous apprenons quoi ? Samba a 10 jours pour quitter le territoire Belge » nous confie-t-elle
« Il est venu chez nous pour tenter d’obtenir une vie meilleure. Il nous a parlé de sa vie d’avant: il travaillait et gagnait sa vie »
« Cependant, dans son pays, le président actuel créé bien des problèmes, beaucoup de gens sont emprisonnés pour un oui, pour un non. Il a préféré fuir ces tensions. Au pays, il n’a plus que ses frères et sœurs. Ses parents ne sont malheureusement plus de ce monde. Ici, il a eu la chance d’intégrer une équipe de basket, on lui a permis de se changer les idées, il sortait avec nous, s’amusait avec nous. On l’a même invité au baptême de notre fils. Il peut ainsi voir d’autres personnes, découvre nos modes de vies ».
La jeune femme explique également que la rencontre avec Samba est avant tout une chance. « Nous avons eu la chance de découvrir cette personne, au grand cœur, reconnaissante de tout, prête à s’intégrer au mieux, toujours partant pour rendre un service, prêt à travailler, mais surtout prêt à « gagner » sa place auprès de nous. Il a intégré une équipe de basket. Il joue actuellement en P2 » nous raconte Noémie.
« Ses coéquipiers sont très heureux de l’avoir accueilli, ensemble ils s’amusent, ils évoluent mais surtout ils remportent les matchs du championnat. D’ailleurs, ils sont actuellement premier ! Samba, prêt à s’améliorer encore et encore, s’entraîne même avec d’autres équipes, sans relâche ».
« Et c’est ensemble, avec Samba, qu’ils comptent remporter le championnat ! »
Des efforts qui seront vains : Samba a été rattrapé par la dure réalité. La semaine derrière, l’Office des étrangers l’a informé qu’il ne pourrait pas continuer son séjour en Belgique. « Après cinq mois d’intégration, j’ai été invité à l’Office des Étrangers. Une dame m’a notifié en main propre que la France avait répondu à ma demande. En effet, c’est le règlement Dublin III qui s’applique. La notification que j’ai reçue précise même que je dois m’installer à Bordeaux, en Gironde, pour introduire une nouvelle demande de séjour ».
Pour rappel, le Règlement Dublin III est un texte de l’Union européenne consacré au règlement juridique du droit d’asile en vertu de la Convention de Genève dans l’Union européenne pour des étrangers qui formulent une demande d’asile dans un pays et sont interpellés dans un autre pays de l’Union européenne. Ce texte institue un principe simple en théorie, mais qui pose de nombreux problèmes en pratique : le pays dans lequel a été formulée la demande d’asile étant celui qui est chargé de son instruction et de la décision finale.
Dans le cas de Samba, le règlement lui impose donc de retourner en France, le pays dans lequel a été formulé sa première demande. « Selon cette directive, c’est la France qui est responsable de ma demande, et pas la Belgique ». Mais pour le Sénégalais, les motifs de son expulsion ne sont pas légitimes. « Sur le rapport, ils indiquent que comme je suis en bonne santé et que je n’ai pas de contact ou de famille en Belgique, je dois repartir en France. Or, j’ai maintenant des amis et une famille ici. »
A l’heure actuelle, Samba fait tout son possible pour éviter l’expulsion. « J’ai rendez-vous avec mon assistante sociale et un avocat pour voir ce que l’on peut faire. Peut-être un recours auprès du tribunal d’Arlon. Avec les nouveaux éléments, cela pourrait aboutir à quelque chose. J’ai encore un petit espoir. Avec tous mes amis et leurs efforts pour que je reste, j’espère encore »
« Une fois que mon assistante sociale aura reçu officiellement la demande d’expulsion, j’aurai cinq jours pour quitter le territoire »
Si vous souhaitez exprimé votre soutien envers Samba et faire preuve de solidarité, sachez qu’une pétition a été lancée ce lundi 26 novembre. Les organisateurs espèrent atteindre au minium les 300 signatures et ainsi attirer l’attention du gouvernement belge. La pétition en CLIQUANT ICI