À seulement 17 ans, Antoine, de Lottert, est passionné des chevaux de trait. Amoureux de la forêt, il débarde dès qu’il le peut. Un métier de plus en plus rare… Mais la relève semble assurée !
Si la Wallonie comptait encore environ 90 débardeurs au cheval il y a une dizaine d’années, ils ne sont désormais plus qu’une trentaine à exercer ce métier à titre principal, selon des chiffres datant de 2016-2017. Heureusement, certains jeunes comme Antoine seront encore là demain pour assurer ce savoir-faire.
« Hue ! Ho ! Haar ! », lance Antoine à son cheval Walter au beau milieu d’une forêt dans la région de Bertrix. Ce n’est pas du néerlandais, mais bien du wallon avec lequel il s’adresse à Walter, son cheval de trait. « Pour avancer, je vais lui dire son prénom suivi de Hue. Pour l’arrêter, je lui dis Ho. Pour aller à gauche, j’utilise le cordon et tire légèrement dessus et en disant haar. Ainsi, il m’obéit au doigt et à l’œil. C’est une question de sécurité ! Si on a le doigt dans la chaîne au moment où l’on attache un tronc et qu’il avance, on se coupe le doigt aussi sec ! »
Emblème mythique du patrimoine ardennais, le cheval de trait impressionne tant par sa carrure que par sa force et sa beauté. C’est une des raisons pour laquelle Antoine admire cet animal majestueux. « Ce sont de superbes bêtes, très impressionnantes, mais elles sont avant tout courageuses », témoigne le jeune homme originaire de Lottert. À seulement 17 ans, il possède déjà un beau cheptel de deux juments et trois poulains.
« Tout a commencé quand j’avais 12 ans. J’allais voir des concours avec des amis plus âgés et ça m’a tout de suite plu. À 12 ans, j’avais déjà mon premier cheval ».
Au fil du temps, sa passion pour le débardage se fait de plus en plus forte. Il suit ensuite une formation de deux jours dans les bois, organisée par le Comité européen des chevaux de travail (CECT) pour se perfectionner.
« Maintenant, je vais autant que je peux dans les bois pour m’entraîner. Mais c’est un métier qui s’apprend sur dix ans et là, ça ne fait que cinq ans que je pratique ».
Progressivement remplacée par les tracteurs, cette profession de débardeur à cheval, autrefois très répandue, subsiste malgré tout, car le cheval réussit à passer là où le tracteur échoue, raconte Antoine. « Un jour, un monsieur du village avait une parcelle de bouleaux avec un talus. Il ne savait pas y accéder en tracteur. J’y suis donc allé avec mon cheval de trait. C’est un des atouts du cheval, il passe partout. En plus, on n’écrase pas les jeunes pousses. La forêt ne sera donc pas abîmée et on évite de faire d’énormes ornières qui pourraient tasser le sol ». De plus, dans certains lieux, comme les zones Natura 2000, l’utilisation du tracteur est proscrite. Dès lors, le cheval de trait, plus écologique, s’avère être la seule solution. Malheureusement, ce métier reste tout de même en voie de disparition, selon Antoine. La faute à la rentabilité. « Je ne connais pas beaucoup de personnes qui font du débardage, surtout à mon âge ! C’est devenu un métier très dur. Bien qu’on puisse en vivre, le nombre de débardeurs a chuté. On vit désormais dans un monde où il faut que tout aille vite, où il faut que l’argent rentre. Les gens préfèrent la vitesse et l’argent que de protéger la nature… », glisse-t-il.
Il se lance aussi dans l’élevage
Antoine, lui, entend bien mettre ces chevaux sur un piédestal, car pour lui, il n’y a pas plus belle bête. « Le cheval avec lequel je travialle est un cheval polyvalent avec lequel on peut tout faire avec. J’ai pris la race du coin et franchement, j’adore! Je ne changerais pas ». Chaque année à la foire de Libramont, Antoine effectue des démonstrations devant un public conquis. Cet étudiant, toujours en cinquième générale, passe également son temps libre à pérenniser l’espèce en faisant de l’élevage. Un poulain a d’ailleurs vu le jour dans sa prairie, il y a seulement trois semaines. Cette déclinaison de sa passion lui demande aussi énormément de temps en dehors de l’école. « Quand il y a du poulinage, il faut se lever toutes les heures pour aller voir comme se porte la jument. Il arrive que je sois, du coup, très fatigué à l’école ».
D’ici peu, cet amoureux de sa région et de la nature compte changer d’école parce qu’il ne s’y plaît pas. « J’ai trouvé une école qui correspond à mes besoins, l’école de Carlsbourg, l’institut Saint Joseph, où je suivrai une formation d’agent technique nature et forêt ». Ainsi, il espère rester en contact avec la forêt et faire de sa passion son métier, en devenant garde-chasse et débardeur sur le côté. Le croiserons-nous à dos de cheval dans les bois de nos régions? On peut l’imaginer. En tous cas, pour Antoine, la forêt, « c’est là où je passe mes meilleurs moments, au calme ».