C’est une annonce qui avait fait grand bruit chez nos voisins Luxembourgeois mais aussi auprès des travailleurs frontaliers lorsque l’information était sortie il y a quelques semaines. Le fisc Belge userait-il des nouvelles technologies, dont la géolocalisation, afin de suivre le déplacements des frontaliers ? La question a été soulevée par le député-maire Benoît Piedboeuf et posée au ministre des finances, Alexander De Croo.
Ce n’est pas la première fois que le fisc belge fait parler de lui et de ses méthodes dans le cadre du contrôle des revenus exonérés. On le sait, depuis quelques temps, la chasse aux “plaques jaunes” ou aux “sociétés fictives” est engagée par le service public fédéral des finances. Pourtant, via une convention bilatérale, les revenus luxembourgeois sont exonérés des impôts directs belges.
À la recherche de temps de travail pouvant être imposable en Belgique, le SPF userait toutefois de méthodes “virtuelles” afin de contrôler les travailleurs frontaliers. Des méthodes qui ont même fait l’objet d’une explication du gouvernement luxembourgeois à la suite de questions posées par les parlementaires.
Un frontalier sur dix contrôlé par le fisc
À en croire les chiffres avancés par nos confrères du Paperjam dans un article publié en novembre 2019, environ 5.000 frontaliers belges ont été contrôlés entre 2014 et 2018, soit presque un sur dix, puisque les Belges travaillant au Luxembourg étaient près de 50.000 en septembre dernier.
Du côté du SPF, on se veut rassurant en expliquant que les contrôles visant les dossiers concernant le Luxembourg ne sont pas plus prioritaires que les autres et que ceux-ci ont même diminué de 40% en deux ans.
Mais si les contrôles sont moins nombreux, le taux de rectification (soit un redressement fiscal) est maintenant de 30%. L’administration Belge use des nouvelles technologies, donc la géolocalisation, dans le but d’affiner leurs contrôles et ne s’en cache pas. “Notre stratégie se base en effet sur ces technologies afin d’affiner notre sélection et de réduire les risques”, comme le précise le SPF toujours au Paperjam.
Des technologies de géolocalisation proposées par le secteur privé
Si le service public fédéral ne se cache d’user de ces méthodes, nous pouvons nous inquiéter de savoir comment ces recours aux technologies de géolocalisation dans le cadre du contrôle fiscal sont compatibles avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Et c’est du chef de groupe MR au parlement fédéral, Benoît Piedboeuf, que nous vient l’information. Cette question a été posée dernièrement à Alexander de Croo, ministre des finances et donc compétent en la matière. On vous livre la réponse de son cabinet. “Pourcaccomplir ses missions légales, le SPF Finances veille à traiter les données à caractère personnel de manière adéquate, pertinente et limitée à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées, et ce conformément aux dispositions relatives à la protection des données des personnes physiques.”
Le député fédéral libéral va encore plus loin et s’interroge notamment sur la façon dont ces données sont collectées. Est-ce à l’insu du contribuable ?
Réponse du cabinet. “Les technologies de géolocalisation auxquelles il est fait référence sont celles développées et proposées par le secteur privé à leurs clients et dont la finalité est spécifiquement de faciliter la collecte de preuve de présence de séjour à l’étranger et qui travaillent en dehors de leur pays d’emploi habituel.
Le traitement de ces données sera conforme au RGPD et respectera la vie privée.”
Et d’ajouter finalement : “le recours aux technologies de géolocalisation dans le cadre du contrôle fiscal est communiqué en toute transparence aux mandataires/contribuables. En outre, l’accord du contribuable dont les données de géolocalisation sont utilisées par l’application est demandée par l’organisation qui utilise ladite application.”
Pourrait-on encore s’interroger sur le moyen utilisé afin d’avoir véritablement l’accord du travailleur portant sur l’analyse de ses données de géolocalisation ?
Des frontaliers victimes de harcèlement fiscal
“Pouvez-vous nous donner des preuves de votre présence au Grand-Duché du Luxembourg dans le cadre de votre profession”, voici en substance la question posée par le SPF aux travailleurs frontaliers contrôlés.
Toujours selon le Paperjam, aucune preuve ne pourrait satisfaire pleinement les contrôleurs belges, que ce soit une voiture de société en ordre administratif, des notes de frais ou même une attestation de l’employeur. Des contrôles sévères, serrés, auxquels doivent faire face dans certains cas les frontaliers qui, ne sachant quoi répondre ni prouver, se voient imposer à 50% en Belgique.
C’est dans ce cadre qu’on apprend d’ailleurs que certains employés, même passant toutes leurs journées dans un bureau en plein cœur de Luxembourg, ont eu fort à faire face aux questions intimidantes de la part des contrôleurs. Mais si on en croit le directeur financier interrogé par nos confrères, il en revient malgré tout au fisc belge de prouver que vous ne travaillez pas au Luxembourg, mais en Belgique et pas l’inverse.
Pour ce qui est de la règle du télétravail celle-ci pourrait, malgré tout, poser quelques problèmes au travailleur frontalier. Bien qu’un gel soit appliqué actuellement sur le quotas de jours (24 jours autorisés) dans le cadre de la crise sanitaire, il n’en reste pas moins que le fisc glisse souvent un œil malicieux et suspicieux sur le nombre de jours véritablement effectués extra-muros.